Face aux menaces et aux attaques terroristes qui ont frappé la France, de nombreux chrétiens ont repris conscience du caractère révolutionnaire du commandement évangélique au cœur de leur foi
Après les attentats parisiens du 13 novembre dernier, le groupe Facebook « Adopte un soldat de Daech » a connu un succès fulgurant. Passant en quelques jours de plusieurs centaines de membres à plusieurs milliers, la page propose d’adopter « dans son cœur » un djihadiste et de prier pour qu’il se convertisse « à l’amour ».
L’idée vient d’une jeune femme de 30 ans, Céline, qui s’étonne encore de la tournure prise par son initiative. « J’avais moi-même fait l’expérience de prier pour mes ennemis, dans mon cercle familial, et dû mener un douloureux travail personnel ainsi qu’un long chemin de pardon envers des personnes très proches », raconte-t-elle pudiquement.
Touchée par les événements en cours au Moyen-Orient, la jeune femme qui vit à Paris décide alors de lancer une prière pour ceux qui représentent aujourd'hui les ennemis publics numéro un. « Face à la haine dénuée de sens, la prière est pour beaucoup la seule réponse », décrypte Laure, internaute et psychologue de 29 ans, qui a, elle-même, décidé « d’adopter » un djihadiste.
La page a aussi suscité beaucoup d’incompréhension… Quoi de plus antinaturel, en effet, que d’aimer ses ennemis et de prier pour eux ?
Pourtant, ce commandement figure dans le Sermon sur la montagne, cœur du christianisme, dont il incarne bel et bien le caractère révolutionnaire : « Vous avez appris qu’il a été dit : “Tu aimeras ton prochain, et tu haïras ton ennemi”. Mais moi, je vous dis : “Aimez vos ennemis, bénissez ceux qui vous maudissent, faites du bien à ceux qui vous haïssent, et priez pour ceux qui vous maltraitent et qui vous persécutent” », lance Jésus à ses disciples (Matthieu 5, 43-45).
Par ces mots, il dépasse la loi du talion – « œil pour œil, dent pour dent » – qui marquait déjà, dans l’Ancien Testament, un progrès dans la justice humaine, et va même encore plus loin que le commandement de l’amour du prochain du Deutéronome.
[...] « Aimer ses ennemis, c’est dire : je vous remets vos dettes, je décide de ne pas me laisser aller à la haine », assure Céline, qui affirme prier chaque jour pour ceux qui l’ont fait souffrir dans son enfance, même s’il lui est impossible, aujourd'hui, de les fréquenter.
« Ils sont trop nocifs, précise-t-elle. Mais aimer ses ennemis, cela ne veut pas dire qu’on va faire des bisous à tout le monde. Prier pour eux est un acte de foi, c’est désirer que Dieu touche le cœur de la personne qui nous fait du mal, dans la perspective de se convertir soi-même en priorité ».
De fait, prier pour ses ennemis, c’est se mettre dans la disposition de changer de sentiments à leur égard et de pouvoir un jour, peut-être, les aimer.
Ainsi Paul (Le prénom a été changé), 53 ans, employé d’un laboratoire en a fait l’expérience avec son supérieur au travail. « Un prêtre m’encourageait à prier pour cette personne qui me contestait en profondeur, les sentiments négatifs que j’éprouvais pour elle me rongeaient au quotidien, raconte-t-il. J’ai prié avec constance sans comprendre tout à fait, mais un jour, je me suis senti touché au cœur par la miséricorde de Dieu, et j’ai pu pardonner. »
[...] Plus largement, prier pour ses ennemis revient à faire l’expérience soi-même de la miséricorde de Dieu dans sa vie, prendre conscience que l’on n’est pas meilleur que les autres. « Prier pour pouvoir aimer ses ennemis, c’est vouloir les regarder comme Dieu les regarde et comme Dieu m’a regardée : avec une infinie miséricorde, malgré mon propre péché, ma propre faiblesse », confie encore Céline.
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